Opération GOELAN
Janvier 1991, je viens d’arriver au Niger pour une mission scientifique sur le criquet pèlerin, baptisée « Opération GOELAN » (Groupement Operationnel Experimental de Lutte Anti-acridienne au Niger). Notre camp est installé en plein Tamesna, dans la zone désertique du nord du pays, non loin d’un lieu dit appelé In Abangharit qui fut autrefois le siège d’une base de terrain d’une organisation de lutte contre les criquets, l’OCLALAV (l'Organisation commune de lutte antiacridienne et de lutte antiaviaire).
1991. Dans le Tamesna nigérien où je suis arrivé quelques semaines plus tôt, je pose sur un tronc d’arbre fossilisé. Dans cette zone désertique du Niger, non loin de la frontière algérienne, les vestiges sont légion : tronc fossiles comme celui-ci, fossiles de dinosaures, outillage lithique (pointes de flèches, haches, meules…).
La zone est d’une platitude absolue. D’un bout à l’autre de l’horizon, on n’aperçoit qu’un reg immense. Pas un arbre, pas un brin d’herbe. Que des cailloux en ce cœur de saison sèche. Et pourtant je suis là pour étudier les habitats du criquet pèlerin. Ce n’est pas la moindre des contradictions de cette mission. Je dois explorer cette vaste zone saharienne, en voiture, en hélicoptère, en avion, effectuer des relevés réguliers des traces de végétation que l’on peut encore observer, et tenter d’effectuer des corrélations avec des images satellitaires. Un gageure en cette saison!
Il s’agit également de tester l'adaptabilite du dispositif « Ecoforces », financé par la France, et deployé en 1989 et 1990 dans les zones de cultures saheliennes pour lutter contre les criquets. Le camp est fort bien équipé, trop bien. Grandes tentes, groupe électrogène, congélateur, camion, plusieurs véhicules tout-terrain, un avion de reconnaisance pour des photographies aériennes, un hélicoptère pour aller prospecter tous les endroits impossibles à atteindre au sol. L’ensemble est géré à merveille par un collègue responsable de la logistique et de la gestion du camp. La température est très fraiche la nuit (voisine de 5°C.) et monte rapidement dans la journée pour frôler les 40°.
Cours avec les prospecteurs. Dans ma tente: préparation de l'itinéraire du lendemain.
Je profite du séjour pour discuter avec les prospecteurs antiacridiens et parfaire leurs connaissances sur le criquet pèlerin. Connaissances théoriques car pour ce qui est de la pratique et de la connaissance du terrain ils peuvent sans aucun doute m’en remontrer et ont une parfaite connaissance de cette zone désertique du Niger. Aiouba, un ancien prospecteur de l'OCLALAV, est sans doute le plus aguerri et celui disposant de la plus grande expérience.
Cependant, la zone est peu sûre et le brigandage fréquent. Nous avons eu plusieurs mises en garde des autorités locales. De plus, rapidement, les incidents se multiplient : panne d’hélicoptère en plein vol (nous réussirons à nous poser au milieu de nulle part, à communiquer avec la base et à avoir rapidement du secours, mais le moteur de l’hélicoptère devra être changé à partir de la France) ; début de la guerre du Golfe (dont nous ne savons quelles pourront être les répercussions locales et dont nous suivons anxieusement les nouvelles sur nos radios OC) ; et finalement attaque du camp par des brigands touaregs, attaque malheureusement terminée par l’assassinat du collègue responsable de la logistique. La tension nerveuse est telle que je dois être transporté pour quelques jours de repos à Agadez suite à une crise de « fatigue ».
Sur le terrain avec un prospecteur dans la région d'In Abangharit.
Au final, une mission qui laisse un goût amer. Elle m’aura permis de vivre deux mois plein au cœur de la zone du criquet pèlerin. Mais les résultats scientifiques sont très maigres… et le coût humain inacceptable. Pour moi et mes deux collègues, le retour en France est rude. Je garderai toujours une rancœur contre les organisateurs de cette expédition dont le seul but semblait de dépenser, en fin d’année, un reliquat de crédits et de montrer la capacité française de déploiement en zone saharienne pour les opérations antiacridiennes. Belle démonstration ! Mais, finalement, en 2 mois j’avais quand même observé deux criquets.
La base terrain GOELAN dans le Tamesna.
Avec mes deux collègues du CIRAD et l'équipe nigérienne de l'opération GOELAN.
La base GOELAN vue d'avion - Avec l'hélicoptère, en prospection dans les dunes de l'Iguidi.
Au milieu de l'immensité du reg: la base GOELAN et la piste d'aviation.