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La petite charbonnière et le pot au lait

Madagascar, 17 avril 2006. Cette charmante fillette tente de me vendre une bouteille de lait, entourée par de nombreux autres enfants de ce petit village de charbonniers implanté le long de la RN7, axe principal reliant la capitale Antananarivo, au centre, à Tuléar (Toliara), dans le sud-ouest. A peine descendu de voiture, je suis comme d'habitude entouré d'une horde d'enfants, tous plus curieux les uns que les autres, toujours souriant, curieux de voir des "vazahas" (des blancs, des étrangers) arriver. Arrêt bref. Mon chauffeur achète du charbon de bois, met le sac à l'arrière, et nous repartons, direction Betioky-Sud et le siège du centre de lutte contre les criquets - le CNA ou Centre national antiacridien - laissant cette petite charbonnière et son "pot au lait", le reste du voyage éclairé par son sourire.

Je rentre d'une tournée dans l'extême-sud malgache dans le cadre d'une mission d'appui à un projet de lutte préventive contre les criquets financé par la Banque africaine pour le développement. Parti de Betioky-Sud, je suis passé par Edjeda, puis Fotadrevo, Bekily, Isoanala, Betroka et enfin retour sur Betioky par Ranohira et Sakaraha. J'ai visité mon dispositif d'observation de terrain devant permettre de mieux comprendre la dynamique des populations d'une espèce de criquets ravageurs, le criquet nomade (Nomadacris septemfasciata Serville). J'ai implanté des sites d'observation en divers endroits, chaque site étant prospecté régulièrement par un observateur suivant à la fois la population de criquets et les conditions environnementales: état de la végétation, pluie, humidité du sol... Environ deux fois par an, lors de mes mission d'appui au projet, je visite les sites, collecte les données, contrôle l'état du matériel, paye le personnel permanent et les manoeuvres temporaires qui sont souvent nécessaires pour collecter des échantillons de criquets. En outre, je coordonne des enquêtes en milieu paysan dans tout l'extrême-sud avec l'appui d'étudiants de l'université de Tuléar et tente d'analyser les archives du centre malgache de lutte contre les criquets pour en tirer un maximum d'informations. Vaste tâche, mais passionante et finalement, au bout de 4 années, des résultats que j'estime à la hauteur des investissements.

Village des charbonniers le long de la RN7, non loin d'Andranovory: tas de charbon de bois et sacs prêts pour la vente.

Le projet s'est en effet étendu de 2005 à 2009 avec pour objectifs de renforcer les connaissances sur l’écologie du criquet nomade afin d’améliorer la stratégie de surveillance et de lutte, mais aussi - et surtout - de développer un outil de surveillance et d’aide à la décision permettant de détecter en temps utile les zones à haut risque de pullulation du criquet migrateur, Locusta migratoria Linné - la principale espèce de criquets ravageurs de l'île. Pour le criquet migrateur, un système d'information géographique a été développé par des collègues du CIRAD et implanté dans les locaux du CNA comme outil de surveillance et d’aide à la décision devant permettre de détecter en temps utile les zones à haut risque de pullulation et de conduire plus efficacement les opérations de surveillance et de lutte préventive. Quant au criquet nomade, mes travaux sur la dynamique de ses populations ont permis d’aboutir à une compréhension plus fine du déterminisme des pullulations et à une délimitation plus précise des zones à risque devant être surveillées en priorité.

A chaque arrêt, les enfants sont toujours nombreux à venir nous voir, curieux de découvrir les "vazaha".

Au final, les résultats de ce projet, associés à ceux de mes études antérieures et à ceux obtenus avec des collègues depuis une quarantaine d'années, constituaient une base solide sur laquelle le CNA pouvait s'appuyer pour améliorer sa stratégie de prévention. Malheureusement, quelques mois seulement après la fin du projet une nouvelle invasion démarra... et le pays fut incapable de faire face sans, de nouveau, une assistance financière internationale conséquente. A croire que nos résultats étaient partis en fumée dans les foyers de ma petite charbonnière et de sa famille.

La "gare routière" d'Andranovory sur la RN7 au niveau de la bifurcation pour la RN10 en direction de Betioky et Fort Dauphin. Une multitude de marchands ambulants assaillant les taxis brousse, de petites échoppes, bars, restaurants, hôtels de 7ème catégorie. De tout, un peu!

Un itinéraire que j'ai fais de nombreuses fois dans le cadre de ce projet. Betioky-Betroka demandait souvent plus de 10 heures de temps, en 4x4, pour parcourir les 350 km de mauvaises pistes.

Référence:

Lecoq M. et al., 2009. Rapport final sur les travaux du CIRAD en appui au Centre National Antiacridien malgache dans le cadre du Projet de lutte préventive antiacridienne. Convention de collaboration FOFIFA – CIRAD. Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, Montpellier, France. 405 p.

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