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Commis voyageur au Sahel

Mars 1998, Nouakchott, Mauritanie. Je participe à une réunion de présentation du programme EMPRES pour l'Afrique de l'Ouest et le Maghreb. Cet ambitieux programme lancé par la FAO (l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) est destiné à l'amélioration du dispositif de lutte préventive contre le criquet pèlerin (Schistocerca gregaria Forsk.), insecte ravageur de toute première importance économique. Sont présents l'ensemble des pays concernés par ce criquet en Afrique de l'Ouest et du Nord, les organisations régionales de lutte (OCLALAV*, CLCPANO*) ainsi que divers bailleurs internationaux susceptibles de financer plus de 20 millons de dollars sur 4 ans. La réunion est destinée à présenter le programme que je viens d'élaborer avec un collègue français et deux collègues africains, suite à une vaste mission en Afrique de l'Ouest, à la fin de l'année 1997.


Commis voyageur, "personne qui voyage pour vendre des produits et présenter leurs avantages". C'est un peu ce que je venais de faire pendant plus d'un mois au cours de cette mission. Commis voyageur au Sahel pour vendre ce programme EMPRES de la FAO auprès des états qui pouvaient être concernés par la lutte préventive contre le criquet pèlerin. Du 7 septembre au 16 octobre 1997, j'ai visité Sénégal, Mauritanie, Mali, Niger et Tchad. Avec mes trois collègues nous avons voyagé d'un pays à l'autre, prenant rendez-vous sur rendez-vous avec les ministres de l'agriculture de ces divers états, avec leurs services techniques en charge de la lutte contre le criquet pèlerin, avec les représentations locales des bailleurs de fonds et en particulier France et Union européenne.

En séance, discussion sur le programme avec un collègue.

La mission étant financée par la France, j'avais commencé par un briefing au ministère des affaires étrangères à Paris pour avoir quelques indications sur ce que le ministère attendait de ma mission et les grandes orientations stratégiques, suivi d'un deuxième briefing au siège de la FAO, à Rome. De mon côté, j'avais une idée assez précise de ce vers quoi il fallait aller. Mais tout était à faire et le programme allait devoir recevoir l'assentiment de tous, pays et bailleurs. La tache n'était pas mince!


Les entretiens succédaient aux entretiens. A chaque fois nous nous partagions les rôles. J'étais chargé de la présentation du problème criquet pèlerin et de ce que le programme EMPRES allait pouvoir apporter pour améliorer le dispositif de prévention... mais aussi quels devraient être les engagements des états pour qu'ils puissent peu à peu prendre en charge les financements et assurer la durabilité des actions. Nous écoutions les divers points de vue et passions les soirées à faire le bilan, à rédiger nos notes, à réviser la conception du programme. Au final un document de près de 100 pages fut rédigé et c'est ce document que nous venions défendre à Nouackchott.

Clôture de la réunion: on applaudit et l'on range les dossiers.

A droite, Abderrahmane Hafraoui, à l'époque responsable du "groupe acridien" à la FAO.

Le document de programme proposait un nouveau cadre régional de coopération sur le problème du criquet pèlerin. Basé sur le concept de lutte préventive, les actions envisagées devaient permettre de surveiller et d'intervenir plus rapidement et plus précocement au niveau des zones clés de la genèse des invasions. L'objectif était de maintenir le plus longtemps possible un état de rémission - sans invasion de criquets - et, en cas de défaillance du dispositif, d'aider à organiser plus rationnellement les opérations d'urgence selon des plans d'intervention clairement préparés à l'avance en fonction des divers niveaux de gravité de la situation.

Bien sûr, il eut été surprenant que tout le monde soit d'accord et en particulier les financiers. Les critiques furent nombreuses. En coopération avec les collègues de la FAO, il me faudra batailler pendant encore plusieurs années, mieux justifier ce projet de restructuration de la lutte préventive, jeter les bases d’une nouvelle organisation régionale africaine, la CLCPRO*** (la Commission de lutte contre le criquet pèlerin en région occidentale, remplaçant l’OCLALAV et la CLCPANO), susciter des réunions internationales de donateurs, monter à Bruxelles pour tenter d’obtenir des fonds. Et tout cela pour voir un démarrage du programme seulement à partir de 2001... mais sans financements. Ce n'est finalement qu'après une nouvelle invasion en 2004 que les fonds affluèrent et que le programme pu effectivement démarrer. Le commis voyageur pouvait alors s'estimer satisfait... mais allait accompagner les actions du programme EMPRES jusqu'en 2011.


* OCLALAV, Organisation commune de lutte antiacridienne et de lutte antiaviaire

** CLCPANO, Commission FAO de lutte contre le criquet pèlerin en Afrique du nord-ouest

*** J'ai proposé en 1999, dans un rapport à la FAO, la création de cette nouvelle commission qui verra finalement le jour en 2000 sous le nom que j'avais suggéré, la CLCPRO. Mon projet d'accord portant création de cette commission et ses 21 articles fut naturellement revu par les services juridiques de la FAO pour aboutir au statut actuel de l'organisation... fort proche de ce que j'avais suggéré.


Références:


Martini P., Lecoq M., Soumaré L., Chara B., 1998. Proposition de Programme de lutte contre le Criquet pèlerin dans la partie occidentale de son aire d'habitat. Système de prévention et de réaction rapide (EMPRES). Composante acridienne (Criquet pèlerin) en Région occidentale. Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, Rome. 93 p.


Lecoq M., 1999. Projet de restructuration des organismes chargés de la surveillance et de la lutte contre le criquet pèlerin en région occidentale. Justifications et propositions. Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Rome. 36 p.



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