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Un fameux modèle

1990, le labo vient d'obtenir des crédits pour implanter dans divers pays d'Afrique de l'ouest un modèle susceptible d'aider à la gestion du criquet sénégalais. Depuis les années 1970, ce criquet est devenu l’un des principaux criquets ravageurs des cultures vivrières du Sahel africain. Il cause régulièrement des dégâts considérables, en particulier sur le mil. Cette espèce a développé un cycle biologique et une stratégie lui permettant de survivre dans l'environnement sahélien difficile. Pendant les 8 mois de saison sèche les criquets résistent sous la forme d'oeufs enfouis dans le sol. Au cours de la saison des pluies, trois générations se succèdent et les ailés se déplacent avec les vents pour suivre les zones où il pleut et qui leurs sont favorables.

Le criquet sénégalais, Oedaleus senegalensis (Krauss 1877) (mêle brun).

Les nombreux travaux conduits depuis les années 1970, en particulier par divers membres du labo du CIRAD, ont permis une meilleure compréhension de l’écologie de cette espèce. J'ai eu l'occasion de l'étudier de 1975 à 1977, lors de mon séjour au Burkina Faso, et de réaliser d'intéressantes observations sur son cycle biologique et ses migrations saisonnières en relation avec le front de convergence inter-tropicale, responsable de la mousson et des pluies sur l'Afrique de l'ouest.

Le criquet sénégalais, Oedaleus senegalensis (Krauss 1877) (femelle verte).

Divers modèles ont été proposés pour suivre les populations de ce criquet et tenter de prévoir les pullulations massives. L'un de mes collègues a développé un tel modèle depuis quelques années, le fameux modèle OSE (comme Oedaleus SEnegalensis). Le modèle prend en compte les facteurs les plus importants : pluies, durée du jour, température de l'air... Il génère - sur l'ensemble de l'Afrique de l'ouest - des cartes des secteurs propices aux pullulations. On peut ainsi localiser, en début de saison des pluies, les zones d'éclosions massives présentant un risque élevé de dégâts sur les germinations de céréales. À la fin de la saison des pluies, le modèle peut être utilisé pour tenter de localiser les zones où les criquets vont se concentrer et risquent de provoquer d'importants dégâts sur les cultures en maturation, peu avant la récolte.

Le cycle biologique du criquet sénégalais sur l'Afrique de l'Ouest (entre 11 et 19° de latitude).

G1, G2, G3: générations successives de saison des pluies. G1D: oeufs en diapause de la G1. FIT: front inter-tropical. Les ronds noirs correspondent, mois par mois, aux zones les plus favorables au criquet. Les petites flèches soulignent l’orientation des migrations.



Dès 1987, un chercheur du CIRAD avait été détaché à Niamey, au Niger, à proximité du Centre AGRHYMET* recevant des divers pays sahéliens les données pluviométriques indispensables. Le modèle, installé tout d'abord au CNUSC (le Centre national universitaire sud de calcul) à Montpellier, jusqu'en octobre 1988, a rapidement été adapté sur micro-ordinateur. En cette année 1990, le modèle doit être implanté auprès des services de la protection des végétaux des divers pays sahéliens comme outil d'aide à la décision afin de mieux orienter les équipes de terrain vers les zones à surveiller et à traiter en priorité.


Larves de derniers stade du criquet sénégalais. Dessins G. Popov.


Mauritanie, Sénégal, Mali, Niger et Tchad sont concernés et nous nous répartissons la tâche. Je suis chargé de la Mauritanie et du Tchad et j'organise donc une session de formation dans chacun de ces deux pays. Un collègue informaticien m'accompagne pour installer le logiciel et l'ordinateur qui est également fournit. De mon côté, je me charge de former une douzaine de personnes au fonctionnement du modèle, à l'interprétation des résultats et aux applications opérationnelles. Je passe ainsi une semaine en Mauritanie à la fin du mois de mars 1990, puis organise une deuxième session au Tchad à la mi-mai. La chaleur et la poussière constituent les principaux obstacles et les ordinateurs doivent être placés dans des salles climatisées et régulièrement nettoyées. Mais finalement tout fonctionne pour le mieux, au moins sur le plan matériel. Les stagiaires semblent satisfait et leur direction également.


Mision accomplie !


Les participants à la session de formation sur le modèle OSE organisée à Nouakchott, en Mauritanie.


Le modèle fut ensuite utilisé pendant quelques années. Cependant, en conditions opérationnelles, plusieurs problèmes sont devenus apparents et en particulier une pénurie criante d'informations fiables sur les précipitations, paramètre clé pour le criquet. A l'époque les informations satellitaires n'étaient pas encore là, du moins pour estimer les pluies d'une manière fiable au Sahel. En outre, il semble que ce modèle, finalement assez complexe et pas très convivial, ait sans doute été transféré trop hâtivement auprès des services de protection des végétaux. C'était sans doute OSE... mais finalement pas très efficace.

Les participants à la session de formation sur le modèle OSE organisée à N'Djamena, au Tchad.

* Le Centre Régional AGRHYMET est une institution spécialisée du Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS) regroupant treize pays d'Afrique de l'Ouest. Il a pour objectifs principaux de contribuer à la sécurité alimentaire, à l'augmentation de la production agricole et à l'amélioration de la gestion des ressources naturelles au Sahel.



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