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Dans l'outback australien

1984, j'effectue une mission d'étude en Australie pour visiter l'APLC, l'Australien Plague Locust Commission, l'organisme chargé de la lutte contre les criquets qui a la réputation d'être l'un des meilleurs services de ce genre au monde. Mon voyage allait confirmer que cette réputation n'était pas usurpée.

Allongé sur le sol, je tente de photographier des larves du criquet australien, Chortoicetes terminifera.

Arrivé à Sydney, je prends un vol local pour Canberra, siège de l'APLC. Après une brève visite du centre, accompagné par un collègue australien, Dave Hunter, nous partons pour la région de Betoota et Mooraberree Creek, minuscules localités du sud-ouest du Queensland. Au cours du voyage sur de vastes routes rectilignes nous croisons fréquemment les fameux "road trains" - convois énormes à trois ou quatre remorques - nous observons au passage quelques kangourous et faisons des arrêts dans de petites villes de l'outback à l'ambiance de far-west, sentant la bière et l'ennui. Nous finissons par arriver à Betoota. La région est très isolée, fort peu peuplée et occupée uniquement par de vastes propriétés vouées à l'élevage. C'est le pays des "flying doctors" - les médecins volant - et des "écoles de l’air" créées pour les enfants vivant dans les endroits isolés de l’outback australien. Mais c'est également une zone fort humide, bourrée de mouches dans la journée et de simulies (petites mouches hématophages à la piqure douloureuse) dès la tombée du jour. Le port d'un chapeau muni d'une moustiquaire pour protéger le visage est la règle.

Avec des collègues australiens de l'APLC. Quelque part dans l'outback !

Mon matériel de travail: mon Nikon, mon filet à insecte et mon bocal à cyanure.

Un champ de ponte du criquet australien. Le sol vient d'être décapé et chaque trou correspond à une ponte renfermant de 30 à 70 oeufs. Ce site correspond à la zone de ponte d'un essaim; la densité d'insectes était telle que les pontes ne sont guère espacées que de 1 à 2 centimètres - Avec une pelle, je décape le sol pour rechercher les pontes (à droite).

Portion d'une bande larvaire du criquet australien: entre les touffes d'herbes, le sol est couvert de larves (à gauche) - Femelle de criquet australien en train de pondre, l'abdomen enfoui dans le sol (à droite).

Le criquet australien, Chortoicetes terminifera (Walker, 1870), est la principale espèce dont s'occupe l'APLC. Localement, dans cette région reculée du Queensland, ces criquets ne font pas de degâts, mais il s'agit de la zone d'origine des essaims qui peuvent migrer pour aller ravager les cultures dans les régions agricoles situées plus au sud. L'APLC doit donc traiter avant la migration. Dans ces vastes zones humides, la recherche des cibles - bandes larvaires et essaims - ne peut se faire que par hélicoptère. C'est donc dans l'un des hélicoptères de l'APLC que j'embarque pour participer à une prospection à la recherche des criquets.

Dans l'hélicoptère, je boucle ma ceinture, prêt à partir à la recherche de bandes et d'essaims du criquet australien.

A gauche, ravitaillement en carburant de l'hélicoptère. A droite, devant le 4x4, Phil Symmons, directeur de l'APLC (en short beige).

Dans l'hélicoptère, à la recherche d'essaims et de bandes larvaires du criquet australien.


Je prends ensuite un petit avion de type CESSNA en direction de White Cliff dans le New South Wales, à environ un millier de kilomètres. J'assiste là à d'autres opérations de traitement insecticide réalisées par avion... et effectivement dans les règles de l'art. L'APLC est décidemment une organisation de pointe dans le domaine de la lutte contre les criquets! Je profite de mon passage à White Cliff pour visiter cette petite ville de l'intérieur célébre pour ses mines d'opales. Des trous étroits affleurent un peu partout. La ville serait entourée de plus de 50000 puits de mine, souvent désaffectés. L'ensemble confère au paysage un aspect lunaire et un côté totalement surréaliste. White Cliff ne compte guère plus de 200 habitants vivant fréquemment dans des habitations souterraines procurant un peu de fraîcheur dans cette zone qui est l’une des plus étouffantes de l’Australie en été. J'ai le souvenir d'un bar entièrement construit en terre et en bouteilles de bière faisant à la fois office d'isolant et de fenêtre. La visite de White Cliff terminée, avec mon collègue australien, nous reprenons l'avion de l'APLC en direction de Longreach, petite ville du nord d'environ 3000 habitants, d'où nous rejoignons Mooraberree Creek, Betoota, puis Charleville. Là, après ce séjour dans l'outback, nous reprenons la voiture pour rejoindre la région de Brisbane.

L'avion de traitement termine une passe, guidé au sol par le drapeau jaune (à gauche) - La passe terminée, l'avion va effectuer un demi-tour pour réaliser la passe suivante; le porteur de drapeau remonte dans son véhicule pour aller marquer l'emplacement (à droite).

Essaim en vol de Chortoicetes terminifera.

Quelques dizaines de kilomètres avant d'arriver à Brisbane, j'ai l'occasion de participer à une étude sur le vol de nuit des insectes. Je retrouve un collègue australien, Roger Farrow, que j'ai rencontré quelques années auparavant à Madagascar, et qui conduit cette étude. Les insectes en vol sont repérés à l'aide d'un radar fixé sur le toit d'une caravane de camping. Dès que la nuit tombe, immédiatement des échos radar apparaissent: les insectes décollent. Il est alors possible de suivre leur progression en altitude puis de les voir disparaître de l'écran: la migration commence. En cours de nuit d'autres vols sont repérés en altitude correspondant à des insectes ayant dû décoller de zones plus ou moins proches. Comment savoir de quels insectes il s'agit ? Très simplement: un filet muni d'une nasse est envoyé en altitude grâce à un parachute ascensionnel et collecte un échantillon des insectes repérés sur l'écran radar. Une commande radio permet régulièrement de larguer la nasse et de récupérer les insectes. Un véhicule doté d'un filet permet également de collecter les insectes volant près du sol. Une expérimentation fascinante à laquelle je ne participe malheureusement que peu de temps, devant reprendre la route pour Brisbane, puis Sydney à plus de 900km, avant de reprendre l'avion pour la France. Au final, un mois et demi de voyage dans l'outback australien au sein d'un service de lutte contre les criquets très effiace, aux antipodes de ce que j'ai pu connaître à Madagascar et en Afrique. L'arrière-pays n'est pas si arriéré !

Ecran radar dont les échos correspondent à des insectes en vol.

A droite, le radar fixé sur le toit d'une caravane.

Le parachute ascensionnel vient d 'être envoyé en altitude (on aperçoit le câble et le treuil à l'arrière de la remorque). Roger Farrow (guêtres roses) s'apprête à expédier le filet (jaune) en altitude en le faisant remonter le long du câble. A l'extrême droite, Dave Hunter, entomologiste à l'APLC qui m'a accompagné pendant tout le séjour.

Vue de détail de l'ensemble de piégage en vol des insectes: parachute ascensionnel, filet muni d'une nasse, et manche à air de stabilisation. A droite, un filet fixé sur une voiture pour échantillonner les insectes volant près du sol.

Carte de mon périple en Australie

(rouge: par route; bleu: en avion; vert: en hélicoptère).

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