Surprise au contrôle de Konni
Niger, 2005. Le mois de mai n'est vraiment pas le plus approprié pour voyager dans ce pays. Température étouffante atteignant souvent 45°C à l'ombre, atmosphère laiteuse due aux poussières en suspension dans l'air. Je suis là depuis 2 semaines pour suivre le travail de thèse d'un de mes étudiants travaillant sur le criquet sénégalais. Vaste périple allant de Niamey à Zinder à l'est, puis remontant vers le nord en passant par Tanout et finalement Agadez. Au cours du trajet de retour d'Agadez sur Niamey, nous passons à Konni, à côté de la frontière avec le Nigéria et à 400 km de la capitale. Arrêt au poste de contrôle phytosanitaire... et là, surprise, je retrouve un ancien étudiant que j'avais eu auparavant en formation à Niamey (au Département de formation en protection des végétaux), lorsque j'effectuais chaque année des cours sur l'écologie des criquets du Sahel, au début des années 80. Cet ancien étudiant est devenu inspecteur phytosanitaire et occupe le poste de contrôle de Birni N'Konni. Peu de temps à consacrer à ces retrouvailles, mais beaucoup de plaisir quand même de se revoir après toutes ces années. En fait, ayant formé des dizaines d'étudiants de tous les pays sahéliens, ces rencontres étaient devenues fréquentes et agrémentaient souvent mes voyages en Afrique.
Mais l'essentiel de ce séjour est consacré au travail de terrain de mon thésard, Idrissa Maiga. Il étudie le criquet sénégalais, Oedaleus senegalensis (Krauss 1877), et a implanté sur le terrain - sur environ 400 km entre Zinder au sud et Tanout au nord - plusieurs sites d'observation que nous visitons les uns après les autres sous un soleil de plomb, cherchant souvent une ombre qui n'existe pas, passant de village en village en empruntant de petites pistes sablonneuses. Après un passage à Tanout, nous poursuivons vers Agadez avant de retourner sur la capitale. Périple rapide mais instructif, m'ayant permi de vérifier le dispositif expérimental de mon thésard.
A gauche, entre Zinder et Tanout, un site d'étude où Maiga Idrissa, mon thésard que l'on voit ici de dos, étudie le criquet sénégalais, et en particulier ses oeufs qui passent la saison sèche en diapause.
A droite, quelques criquets pèlerins (Schistocerca gregaria Forsk.) écrasés sur la piste, peu avant Zinder, trace du passage récent d'un essaim.
Au final, le travail de Maiga aura été fructueux. En l'espace de 3 ans, il parviendra à soutenir sa thèse à Montpellier et à en tirer quelques intéressantes publications. Le criquet sénégalais est un important ravageur des cultures en Afrique de l’Ouest et de nombreux travaux y ont été consacrés. Je m'y suis moi-même intéressé pendant de nombreuses années. Maiga a en particulier étudié les facteurs influant sur la production des œufs, la distribution des pontes et le rôle des ennemis naturels dans la régulation des populations, évaluant également les conséquences à long terme des traitements chimiques à grande échelle. Ses données de terrain ont servi à valider un modèle de la dynamique des populations de ce criquet prenant en compte la croissance de la végétation, la dynamique du criquet sous l’influence des pluies et des ennemis naturels, ainsi que l’effet des criquets sur les espérances de récolte. Ce modèle a pu être proposé comme outils d’aide à la décision pour la gestion des populations dans le cadre d’une stratégie IPM ("integrated pest management").
Vent de sable entre Tanout et Agadez. Vaste étendue de reg dans la région de Tanout.
A gauche: une rue d'Agadez où ces charmantes jeunes femmes invitent les habitants à partager leur monde (qui semble aux antipodes de celui que l'on peut observer sous l'affiche). A droite: dans la cours du centre de lutte contre les criquets, à Agadez, avec le directeur et quelques prospecteurs, dont Kizao (en vert) avec qui j'ai effectué de nombreuses prospections dans le Tamesna 15 ans auparavant, en 1991.
Minaret de la grande mosquée d'Agadez au soleil couchant. Sur la route au sud d'Agadez, un camion bien chargé et des passagers bénéficiant d'une vue panoramique (photo prise au travers du pare-brise fissuré de notre 4x4).