Escalade de la Grande Muraille
1992, Chine, devant la Grande Muraille. Je suis à Pékin depuis quelques jours pour participer au 20ème Congrès international d'entomologie. L'assistance est nombreuse. Il y a plus de 5000 personnes. Pour la séance inaugurale qui se déroule au palais de l'Assemblée du Peuple, sur la fameuse place Tian'anmen face à la cité interdite et au mausolée de Mao Zedong, c'est près d'une centaine de bus qui furent nécessaires pour véhiculer les congressistes depuis leur hôtel en périphérie de Pékin.
Sur la Grande muraille.
L'histoire de ma participation à ce congrès remonte à une année en arrière. Je travaillais à l'époque, et depuis 1975, dans une équipe de recherche qui ne valorisait guère les publications scientifiques et encore moins celles en anglais, pourtant langue de communication scientifique internationale. En 20 ans, de 1972 à 1992, j'avais rédigé 2 articles en anglais sur 32 publiés (contre 55 sur 72 au cours des 20 années suivantes). On produisait des dizaines de rapports, des centaines de pages, évidemment toutes en français. Une méfiance certaine régnait vis-à-vis du monde anglo-saxon et l'on refusait de se soumettre à la règle de base du milieu scientifique, la validation de ses travaux par les pairs... pour ne pas, soit disant, se faire copier. Résultat, une multitude d'écrits en français qui finissaient dans les placards, au mieux sur des étagères... et une méconnaissance quasi totale de nos résultats dans le monde scientifique, même si nous jouissions d'une réputation certaine pour nos activités de développement et nos ouvrages didactiques. Je crois que j'étais le seul à tenter de publier dans des revues scientifiques, y associant quand même généralement mes collègues... qui avaient l'air de considérer que c'était du temps perdu. La longueur d'étagères occupés par les rapports semblait seule démontrer la valeur de nos recherches et justifier de l'occupation des locaux.
Devant le centre de convention où se déroule le congrès.
A la lecture d'un article d'un collègue australien, Roger Farrow, faisant une synthèse des travaux sur le vol des criquets et leurs migrations, je constatais qu'aucune mention n'était faite des travaux francophones... à commencer par les miens. Un peu vexé, j'écrivais une lettre (pas de courrier électronique à l'époque) à ce collègue que je connaissais, et malgré l'éloignement la réponse ne tarda pas. Il était tout à fait conscient du problème et m'invitait à présenter mes travaux lors d'un symposium organisé par deux scientifiques - A.G. Gatehouse de Grande Bretagne et V.A. Drake d'Australie - dans le cadre du 20ème Congrès international d'entomologie qui devait se dérouler l'année suivante à Pékin. Et voici comment je me suis retrouvé, noyé dans la foule des congressistes, à arpenter la muraille de Chine, visiter la cité interdite, le temple du ciel, le tombeau des Mings et le palais d'été.
Les bus du congrès garés devant le palais de l'Assemblée du Peuple. De l'autre coté de la place Tian'anmen, le musée national de Chine; l'obélisque au centre est le monument aux Héros du Peuple.
A droite, les congressistes arrivent !
Heureusement, le symposium en question ne comportait qu'une cinquantaine de participants. C'était ma première participation véritable à un congrès d'importance... et c'était ma première présentation en anglais. Tout se passa fort bien et je n'avais pas à rougir de ma maîtrise assez scolaire de cette langue. Assistant à un exposé d'un chercheur chinois et ne comprenant pas grand chose, je demandais à une collègue britannique assise à côté de moi, Joyce Magor du NRI*, ce qu'il en était. Sa réponse fut assez surprenante et non dépourvue d'humour: Je ne comprends pas non plus... mais cela fait tellement plaisir aux collègues chinois de parler anglais!
Séance inaugurale du congrès dans le palais de l'Assemblée du Peuple.
A droite, Christiane entrant dans le palais.
Au final, ce congrès fut une excellente opportunité de valoriser mes travaux et de multiplier les contacts internationaux. Gatehouse et Drake m'invitèrent à contribuer à un ouvrage - "Insects Migrations" - qu'ils devaient publier aux presses universitaires de Cambridge et qui paru en 1995. J'y rédigeais un chapitre consacré aux migrations de criquets et aux systèmes de prévision des pullulations en Afrique et à Madagascar**. Je n'étais pas peu fier du résultat. Outre les agréables moments passés à visiter Pékin et les environs, ce congrès marqua véritablement le début de ma carrière sur le plan international.
Pékin la nuit, près de mon hôtel - Le palais de l'Assemblée du Peuple vu de la place Tian'anmen.
* NRI, National Research Institute, centre de recherche britannique dont le siège est dans la banlieue de Londres, visant à améliorer la sécurité alimentaire mondiale, le développement durable et la réduction de la pauvreté dans les pays en développement.
** Lecoq M., 1995. Forecasting systems for migrant pests. III. Locusts and grasshoppers in West Africa and Madagascar. p. 377-395. In: Drake V.A. et Gatehouse A.G. (Eds) Insect migration : physical factors and physiological mechanisms. Cambridge University Press, Cambridge.
Quelque part du côté du parc Behai.
La « porte de La Paix céleste » commandant l'entrée de la Cité interdite, avec le portrait de Mao Zedong.
A droite, le Temple du Ciel, plus au sud.
La cité interdite vue de la colline du Charbon dans le parc Jingshan, juste au nord.
A droite, la pagode blanche du parc Beihai.
Dans la citée interdite: la Porte du Midi, à gauche,
et le Pavillon de l'Harmonie Suprême, au centre de la cité, à droite.
Le mausolée de Mao Zedong, sur la place Tian'anmen.
Sur la grande muraille de Chine.
Le palais d'été: à gauche, le temple principal surplombant le lac et à droite le bateau de marbre.
Jeunes filles en tenues traditionnelles.