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Le "fomba" gasy

1971 Madagascar, en pays Antandroy, à Lavanono. Le "fomba gasy" (prononcer foumba gache), c'est la tradition, la coutume malgache. Impossible de ne pas respecter le fomba. Ce serait aller au devant des ennuis. Avant d'habiter une nouvelle maison, surtout si elle est construite en dur, le fomba veut qu'on sacrifie un zébu et qu'on demande aux ancêtres de protéger la maison et d'apporter santé et prospérité à ses habitants. Venant de m'installer dans le Sud, me voilà dans l'obligation de sacrifier à la coutume. Ce ne sera pas avec un zébu mais avec un mouton et les officiants seront des membres de mon personnel plus quelques "autorités" traditionnelles locales. Le mouton est égorgé devant la case, le sang recueilli dans un bol et le tour de l'habitation aspergé par l'officiant avec un rameau de feuillage. Le mouton est bien sûr distribué à tous les participants. Voilà qui est fait. La coutume est respectée. Le travail peut commencer... enfin, à condition de continuer à tenir compte des traditions! Et elles sont nombreuses.

Sacrifice du mouton devant le bâtiment principal de ma station de recherche.


Les fady, les tabous locaux destinés à apaiser les ancêtres, sont légion et mieux vaut y prendre garde. L'ombiasy, le guérisseur, le sorcier du village, joue un rôle très important au sein de la communauté locale et il est préférable de ne pas se le mettre à dos. On le trouve facilement grâce à l'aloé planté à un angle de sa case. Il connait l'usage des plantes médicinales, pratique le sikily - la divination - par interprétation des figures dessinées avec les graines de l’arbre fany oufano (Entada chrysostachys), mais il entre aussi en contact avec les ancêtres et les interroge. J'eu une fois l'occasion d'assister à un tromba sur la plage de Lavanono, un rituel de possession. Le possédé, par le biais de la transe, incarne un roi défunt ou un ancêtre prestigieux qui parle par sa bouche et donne des conseils aux vivants. La cérémonie, les transes multiples, les chants, durèrent toute la nuit. Une atmosphère fantastique, un souvenir inoubliable, mais ces pratiques sont souvent venues perturber mon travail. Pour se prémunir du mauvais sort, mon personnel portait des ody, des amulettes, censées posséder une force magique et les protéger. Mais cela ne marchait pas toujours. Je ne compte pas les fois où un membre de mon personnel est venu se plaindre qu'un sort lui avait été jeté. Un grigri avait été retrouvé, par exemple sur le pas de sa case, et il fallait le désenvouter. Ces grigris étaient souvent des cornes de zébus à l'intérieur desquelles avaient été placés (pris dans de la terre et de la graisse animale) divers ingrédients et en particulier des ciseaux ou des lames de couteau, sans doute censées porter préjudice à la personne visée. Ces pratiques, bien que très répandues, étaient considérées comme illégales et combattues par les autorités. J'eu l'occasion de visiter une pièce de la gendarmerie de Beloha où de tels grigris confisqués s'entassaient sur plus d'un mètre de hauteur.

Le sang du mouton est aspergé sur tout le pourtour de mon habitation/ bureau/ laboratoire.


Lavanono, et la petite ville voisine de Beloha où j'allais me ravitailler, sont situés au coeur du pays antandroy, pays subdésertique, sablonneux, pauvre en eau et parsemés d'épineux. La famine y est fréquente. C'est pourtant le royaume du bétail et la région abrite les plus grands troupeaux de Madagascar. Le zébu y a acquis un caractère quasi sacré et il revêt une importance considérable en particulier dans les coutumes funéraires locales qu'il m'a été donné d'observer à plusieurs reprises. Les vastes tombeaux, grandes structures carrées en pierres, sont érigés ça et là en pleine campagne. Le dessus des tombes s'orne généralement de bucranes, des têtes de bœufs décharnées posées au milieu des pierres, et dont le nombre indique le degré de fortune ou de considération dont a joui le défunt. Les plus riches sépultures se trouvent souvent à proximité de la piste afin que les décorations puissent être admirées par les passants. Ces tombeaux se distinguent par leurs aloalo, poteaux funéraires en bois constitués de motifs géométriques et surmontés d'une statuette évoquant la vie du défunt. A l'occasion des funérailles, les anciens pratiquent le kabary, véritable art oratoire transmis de génération en génération. Le kabary est un discours très codé ornementé de proverbes, d’adages, de dictons, d’expressions populaires… et il y a des kabary pour tous les événements de la vie. Au final, dans un pays où le fomba tient un rôle fondamental dans la vie sociale, mieux valait y prêter attention et le respecter.

L'ombiasy, le sorcier-guérisseur du village, devant sa case.

Fabricant d'aloalo à Ihoda (à gauche). Sacrifice d'un zébu pour une cérémonie funéraire à Beloha (à droite). A l'arrière plan, le tombeau avec une décoration moderne très multicolore.

Foule rassemblée pour des funérailles à Beloha.

Habitat traditionnel antandroy en bois de fanstiholitra, Alluaudia procera (à gauche).

Agriculteurs en tenues traditionnelles et à l'arrière plan, un vieux tombeau à palissade de bois (à droite) (Montombositra, région de Beloha).

Quelques exemples d'aloalo de la région de Beloha.

Vieux tombeau (à gauche) et vieux aloalo patinés par le temps (à droite).

Détail d'un aloalo.

Tombeau antandroy moderne versus tombeau ancien dans la région de Beloha.

Tombeau antandroy en cours de finition dans la région de Beloha (à gauche). Tombeau mahafaly dans la région de Betioky (à droite).





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