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A la machette

2002, Brésil. Je suis de nouveau sur la Chapada dos Parecis, au Mato Grosso, pour poursuivre les essais d'un mycopesticide mis au point par des collègues de l'Embrapa* à Brasilia. Hébergé comme toujours à la fazenda ALCOMAT. Les travaux commencent par la recherche de bandes de larves du criquet du Mato Grosso, Rhammatocerus schistocercoides (Rehn, 1906). Cela fait maintenant 10 ans que je travaille régulièrement dans cette zone du Brésil et à chaque fois les criquets sont abondants, bandes larvaires en saison des pluies et essaims en saison sèche. A chaque fois c'est un spectacle grandiose que ces millions d'insecte. Mais cette fois... rien. Jour après jour, à la recherche de bandes de criquets pouvant se prêter à la conduite des essais, nous parcourons les vastes espaces de savane arborée - le cerrado - dans un rayon de 30 km autour de la fazenda sans rien découvrir. Aucune bande larvaire, ni même aucune trace de bande, fèces, végétation broutée… n’a pu être détectée. Quelques larves isolées là où les années précédentes la densité atteignait par endroit plus de 10000 larves par mètre carré! Les expérimentations semblent bien comprises.

A la machette et à la pelle, avec Antoine, un collègue du CIRAD, nous dégageons la zone où nous devons installer un piège à insectes. Le cerrado s'étend à perte de vue et l'on a très vite fait de perdre le sens de l'orientation dans ces zones où nous circulions en tout-terrain, loin de toute piste. Le GPS m'a souvent été très utile pour retrouver la voiture.

Faute de grive... Nous décidons de changer l'objectif des essais et de nous rabattre sur l'effet du produit sur la faune non cible, autrement dit sur les insectes en général. En effet, le mycopesticide que nous testons sur les criquets est censé être assez spécifique, c'est-à-dire tuer essentiellement les Orthoptères. Nous voulons cependant en avoir le coeur net et le vérifier par nous même. Pour cela, nous délimitons dans le cerrado 3 vastes parcelles expérimentales de 4 hectares, espacées de 700 mètres. L'une servira de témoin, les deux autres feront l'objet d'un traitement, soit avec le mycopesticide (à 3,8x10E12 spores/ha), soit avec un insecticide classique, le fénitrothion (un concentré émulsionnable de Sumithion à 342 g de matière active/ha), largement utilisé dans la lutte contre les criquets. Dans chaque parcelle, nous installons toute une batterie de pièges : 2 pièges modèle Malaise, 3 pièges panneau et 20 saladiers jaunes. Tout un ensemble destiné à échantillonner les insectes et à nous montrer comment l'application de ce mycopesticide entraîne, ou non, une diminution de la faune entomologique. Après 3 semaines, les résultats furent, sans surprise, favorables au mycopesticide dont l'innocuité était indéniable pour tout ce qui n'était pas criquet. Aucune comparaison avec le fénitrothion que nous avions pris comme témoin. Ce n'était pas des résultats grandioses, mais au moins nous avions sauvé la mission.


Ce fut le dernier de mes multiples séjours au Mato Grosso où je travaillais à l'époque depuis plus de 10 ans sur ce criquet qui avait tant fait parler de lui et qui maintenant semblait être passé en période de rémission. Ces séjours constituèrent sans aucun doute la plus belle période de ma carrière, à la fois par le sujet d'étude - tout était nouveau et chaque séjour apportait son lot de découvertes et de publications, remettant souvent en cause des idées reçues - et par l'accueil chaleureux et les multiples rencontres amicales qu'il me fut donné de faire. J'abordais, certes, le cerrado la machette à la main... mais dans ces contrées isolées les relations étaient bien souvent plus cordiales qu'ailleurs.


* Embrapa, Institut brésilien de recherche agronomique.

A gauche, à la machette je dégage les herbes pour installer l'un de nos pièges. A droite, Antoine effectue le traitement avec le mycopesticide dont nous voulons mesurer l'impact sur la faune non cible.

Quelques uns des pièges utilisés pour échantillonner nos populations d'insectes sur les sites d'expérimentation: piège Malaise à gauche (les insectes sont récoltés dans un flacon blanc visible à la partie supérieure du piège) et piège "panneau" à droite (les insectes venant heurter le panneau vert sont récoltés dans un bac remplit d'eau savonneuse).

Au gîte de la fazenda ALCOMAT, avec João, un collègue de l'Embrapa (à droite) et divers personnels de la fazenda dont, à gauche, le couple chargé de l'entretien du gîte et des repas, d'une gentillesse extraordinaire et ayant largement contribué à rendre presque agréable mon séjour dans ces contrées reculées.

Une biche surprise au milieu du cerrado. Travaillant en zone de végétation naturelle, loin de tout, faisant le moins de bruit possible, les rencontres avec la faune sauvage n'étaient pas rares: une multitude d'émeus, de tatous, de sériemas (Cariama cristata, oiseau grand amateur de criquets) et, plus rares, des biches, loups à crinière, iguanes, tamanoirs, tapirs... et parfois même, lorsque je m'aventurais en bordure des vastes galeries forestières le long des rios Juruena ou Juina, d'impressionnantes traces de pas de jaguars.

Autre type de piège utilisé: les bols jaunes dont la couleur attire plus spécialement certains groupes d'insectes.

Un tamanoir rencontré lors de mes pérégrinations dans le cerrado. Environ 2 mètres de long et une quarantaine de kilos, museau allongé, longue queue touffue et d'impressionnantes griffes sur les pattes avant. Un animal plus dangereux qu'il n'y paraît.

La piste d'accès à la fazenda ALCOMAT était toujours aussi boueuse en saison des pluies. Mon collègue brésilien qui conduisait s'est laissé prendre au piège. La scène se passe en décembre 2001, lors d'une précédente expédition.

Un restaurant flottant à Cuiaba, sur la rivière du même nom. La route étant longue depuis Brasilia, voire São Paolo, j'avais pris l'habitude faire une halte dans la capitale de l'état. C'était aussi l'occasion de prendre contact avec les autorités locales, les services techniques divers (météo, agriculture...), de faire de derniers achats avant de rester bloqué sur la chapada pendant un ou deux mois, voire de récolter des informations sur l'ancienneté des pullulations de criquets au Mato Grosso en enquêtant dans les archives locales.

Quelque part sur la route entre Brasilia et Cuiaba, une boucherie ("açougue") et un petit restaurant ("lanchonete").



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