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Sur les terres indiennes

Juin 1993, Chapada dos Parecis, Mato Grosso, Brésil. C'est la saison sèche. Les criquets qui ont passé toute la saison des pluies, d'octobre à avril, à l'état de larves, ont peu à peu grandit et sont devenus des adultes ailés début mai. Les essaims se sont alors formés. Sur cette photo, c'est contre un tel essaim posé au sol que je courre pour faire lever ces insectes. Rien de scientifique. Juste un amusement un peu enfantin. Mais le nombre de criquets est impressionnant et un collègue, accroupi derrière moi, en profite pour faire des photos. Et ces essaims sont fort nombreux dans la région. Et depuis 10 ans ces criquets de l'espèce Rhammatocerus schistocercoides (Rehn, 1906) posent un sérieux problème à la nouvelle agriculture implantée dans les états du Mato Grosso et du Rondonia.

Dans le cerrado, un essaim de criquets se lève devant moi.

Des pullulations de criquets, oui! Mais depuis combien de temps ? On accusait les nouveaux agriculteurs. En défrichant à outrance le cerrado (savane plus ou moins arborée), ils auraient perturbé un équilibre écologique naturel. Ils seraient responsables de ces pullulations de criquets. Ils ne devaient s'en prendre qu'à eux mêmes. Pour les agriculteurs, par contre, les indiens seraient les seuls responsables. Les criquets viennent de leurs réserves. Il faut traiter dans les réserves. Tollé général de la Funai - la Fondation nationale de l’Indien - et des associations d'écologistes. Pas question de traiter dans les réserves. Il faut absolument protéger les terres traditionnellement habitées et utilisées par les communautés indiennes.

L'espèce responsable de ces pullulations: Rhammatocerus schistocercoides (Rehn, 1906). Deux des types pigmentaires rencontrés chez cette espèce qui devient partiellement verte en période de reproduction.


Il me fallait déméler le vrai du faux dans ce contexte polémique. Comment faire ? D'un côté, la biologie et l'écologie de cet insecte étaient inconnues. Je devais donc, tout d'abord, établir son cycle biologique, et surtout comprendre quels étaient ses habitats, ses zones de reproduction et comment l'introduction de l'agriculture avait-elle pu favoriser - ou non - les pullulations. On prétendait aussi que ce criquet était un grand migrateur et menaçait non seulement tout le Mato Grosso, mais aussi les autres états plus à l'est, à commencer par l'état de Goias, voir d'autres. Mais qu'elles étaient les capacités réelles de déplacement de cet insecte ? Nul ne le savait. Encore un champ d'investigation qui s'ouvrait à moi. Enfin, disposait-on de données historiques permettant d'affirmer que les pullulations étaient inexistantes ou rares dans le passé et n'avaient explosé qu'à partir des années 1980 avec le développement de l'agriculture? En réalité, rien! Bien sûr, les nouveaux agriculteurs avaient été surpris et fort mécontents de ces pullulations qui risquaient de ruiner leurs efforts, mais aucune information fiable sur ce qui se passait auparavant dans ces zones. Ajoutons à leur décharge que ces régions étaient fort peu peuplées et, mis à part les indiens, n'avaient été fréquentées pendant longtemps que par quelques missionnaires évangélisateurs, chercheurs d'or, collecteurs de latex... et anthropologues comme Claude Levis-Strauss qui avait étudié les indiens Nambikwaras dans les années 1930.

Deux essaims de criquets photographiés sur la Chapada dos Parecis.


Contrairement à mon habitude de rédiger de courts articles, je vais maintenant prendre un peu de temps et d'espace pour détailler mon travail d'enquête sur l'ancienneté des pullulations de ce criquet du Mato Grosso. Ce fut, dans ma carrière, un épisode assez inhabituel mais passionnant. Je devais donc tenter de collecter des informations sur l'histoire du Mato Grosso et essayer d'obtenir des indications sur d'éventuelles pullulations passées pouvant démontrer l'implication ou non des nouveaux agriculteurs dans la situation de crise sévissant depuis les années 1980. Deux sources étaient possibles. D'une part, les relations de voyages et d'explorations au Mato Grosso au cours des siècles passés. D'autre part, les témoins, personnes âgées ayant fréquenté les zones actuelles de pullulations de criquets au cours des décennies précédentes. Et c'est ainsi que je passais beaucoup de temps, d'un côté à explorer les vieilles librairies, les bouquinistes, les archives publiques du Mato Grosso, et d'un autre côté à interviewer nombres de personnes âgées, chez elles, sur leur lieu de travail, dans des maisons de retraite, dans des églises ou dans des institutions religieuses.


Pour ce qui est des ouvrages, je commençais par un classique. En effet, dès les années 1930, Claude Lévi-Strauss rapporte dans son étude sur les Nambikwaras, puis dans Tristes Tropiques, que des criquets sont consommés par ces indiens en grand nombre et de diverses façons. Ses indications sont cependant assez générales et ne permettant guère de savoir si c'est bien la même espèce; mais elles ont au moins le mérite de montrer que ces petites bêtes doivent être régulièrement abondantes dans cette zone. Je remontais alors à des périodes et des ouvrages plus anciens. Et c'est ainsi que je fis connaissance - par ses écrits - avec une célébrité du Brésil, le maréchal Candido Mariano da Sylva Rondon, ingénieur militaire ayant participé à la construction de la première ligne télégraphique traversant le Mato Grosso. C'est à cette occasion, dans les années 1907-1912, qu'il fut amené à explorer ces terres inhospitalières de la Chapada dos Parecis.

A gauche, Rondon en visite dans une tribu indienne (Rondon a été le premier directeur du Service brésilien de protection de l'Indien, aujourd'hui Fondation nationale de l'Indien, la FUNAI). A droite, en compagnie de Theodore Roosevelt, l'ancien président des États-Unis. En 1913-1914, Rondon et Roosevelt ont exploré pour la première fois le "Rio du doute" (le rio de la Duvida), plus tard rebaptisé Rio Roosevelt.

Rondon fournit des indications précises sur les zones de pullulations de criquets dans divers rapports. Il signale que cette région de la Chapada - qu'il appelle le "paradis des criquets" - renferme une quantité considérable d'essaims sur une vaste zone s'étendant, d'est en ouest, entre les cours supérieurs des rios Arinos et Juruena, et courant sur environ 200 km vers le nord à partir de la ligne de partage des eaux entre les bassins des rios Paraguay et Tapajós. En entrant sur le territoire Parecis, en septembre 1907, Rondon note la présence d'une énorme quantité de criquets: "Avant d'arriver au Rio Xacuruina, un affluent du Rio Sacariuina, je suis passé par la source du Rio Tres Jacus, où campait un groupe de collecteurs de caoutchouc. Je traversais alors un large plateau et là, pour la première fois, je remarquais les terrifiants essaims de criquets détruisant tout sur leur chemin... Partout, d'extraordinaires essaims de petits criquets rendaient la marche difficile pour nos animaux. A notre campement sur le Rio Burity, ma tente fut envahie par ces insectes affamés qui ont endommagé tout mes vêtements en peu de temps. Nous avons observé une migration vers le sud de ces insectes ravageurs, en quantités telles que le ciel en était obscurci." Témoignage édifiant.

Un autre grand classique que je consultais fut le célèbre livre du médecin et anthropologue Edgard Roquette-Pinto, "Rondonia" publié en 1917 et dont je réussi à acquérir, chez un bouquiniste de Campinas, un exemplaire de la 3ème édition daté de 1935. Le livre relate les observations sur le peuple Nambikwara, réalisées en 1912 lors d'un voyage scientifique sur la Chapada dos Parecis dans le cadre de la Commission Rondon. Roquette-Pinto confirme avoir alors observé d’importantes pullulations de criquets, notant que ces insectes couvraient le ciel et rendaient la marche difficile, tout particulièrement lorsqu’il traversait les zones de sols sableux. Sans citer R. schistocercoides, inconnu à l'époque, ses indications (comme celles de Rondon) correspondent tout à fait au comportement et aux habitats de cette espèce.


A la même époque, entre 1908 et 1914, un autre explorateur du Mato Grosso, F.C. Hoechne, a pu constater que l'agriculture était impossible sur la Chapada dos Parecis en raison de la nature des sols... mais aussi des pullulations de criquets qui étaient constantes dans la zone. Dans son livre sur l'histoire du Mato Grosso publié en 1969, Virgilio Correa Filho mentionne que les pullulations de criquets se produisent en nombre sur la Chapada dos Parecis. Il note que ces criquets - un régal pour les Nambikwaras - ont établi leur base opérationnelle dans les zones sablonneuses de la chapada et que, de là et à certains moments de l'année, ils migrent vers le sud en formations denses à la recherche de cultures pour satisfaire leurs appétits féroces. Sa métaphore militaire reflète bien l'importance du phénomène rapporté. Enfin, H. Sick, dans un ouvrage sur la faune du cerrado publié en 1965, note que sur la Chapada, à certains moments de l'année, les zones de cerrado «grouillent» de criquets.


L'ouvrage de A.H. Peireira, de 1986, sur la pensée mythique des Indiens Parecis fournit également d'indirects mais intéressants indices sur l'importance des criquets sur la Chapada. Dans un mythe Parecis traitant de la création du monde, le criquet naît de la jambe d'un héros indien mythique appelé Miore. C'est ce criquet qui, par inadvertance, donne le feu aux hommes en incendiant la brousse, jouant ainsi le rôle de Promethée. Il existe donc, dans la mythologie Parecis, une relation très étroite entre les indiens et les criquets constituant un indice très fort de la permanence d'importantes populations de ces insectes sur la Chapada depuis des temps immémoriaux. En outre, le lien entre feu et criquet souligne le rôle important des brûlis dans la dynamique des populations de ces insectes. En effet, cette pratique favorise la repousse des herbes pendant la saison sèche, offrant aux criquets une nourriture de meilleure qualité, leur permettant de survivre à cette saison pour se reproduire ensuite après les premières pluies. On peut penser que cette relation a été perçue depuis fort longtemps par les indiens pour qui les feux de brousse constituent une pratique très courante.


A gauche, le baron von Langsdorff.


Je consultais également, mais sans succès pour ce qui est des criquets, d'autres ouvrages classiques de l'exploration du Brésil, comme celui de G.G. Manizer, de 1967, "A expedição do Acadêmico G.I. Langsdorff ao Brasil (1821-1828)" relatant la célèbre expédition du baron von Langsdorff, chargé d'affaires et consul de Russie, ayant exploré au 19ème siècle les zones actuelles de pullulation sur la Chapada dos Parecis. Le livre est enrichi d'illustrations des artistes embarqués dans cette expédition, dont les talentueux Hércules Florence et Adrien Taunay. Le très riche matériel collecté par l'expédition a été conservé jusqu'à nos jours en Russie, au musée de Saint Pétersbourg. J'ai toujours espéré pouvoir consulter ce matériel. Peut-être y aurais-je trouvé des échantillons de mes criquets?

Des indiens Apiaká, sur les bords du rio Arinos, au Mato Grosso, sur la Chapada dos Parecis. Peinture d'Hércules Florence réalisée lors de l'expédition du baron von Langsdorff au 19ème siècle.

L'ouvrage "La marche vers l'ouest - L'épopée de l'expédition Roncador-Xingu" des frères Orlando et Cláudio Villas Bôas, publié en 1993 a aussi été passionnant à lire. Les frères Villas Bôas ont été d'infatigables défenseurs des droits et des traditions des indiens et ont été à l'origine de la création du Parc National Xingu. Cependant, leurs explorations ayant été effectuées dans l'extrême est du Mato Grosso, je n'y trouvais nulle mention de pullulations de criquets. Pour l'anecdote, lors d'un diner à Brasilia avec mon collègue Bonifacio Magalhaes, j'appris que son beau-père avait été pilote d'avion et travaillé dans sa jeunesse avec les frères Villas Bôas. Il avait ravitaillé leur expédition, à mesure de leur progression dans les terres inconnues du nord, atterrissant sur des pistes de fortune aménagées rapidement dans la brousse. Au final, j'ai même consulté le livre 'Naufragios y comentarios" publié en 1542 par le célèbre conquistador Álvar Núñez Cabeza de Vaca, relation de son naufrage et de ses explorations en Amérique du Nord d'est en ouest, au Mexique actuel, au Brésil et au Paraguai seulement quelques années après la découverte des Amériques. Mais je n'y trouvais que de vagues indications sur des pullulations de "grilos".


Par contre, les témoins encore vivants de l'exploration du Mato Grosso me fournirent d'importantes indications sur l'ancienneté des pullulations de criquets. Ces témoins surgirent rapidement de tout côté. Je commençais par une écologiste brésilienne de Campinas, où je séjournais à l'époque, Eleonore Z. F. Setz, qui dans une étude réalisée dans les années 1970, a noté que les criquets sont une partie essentielle de l'alimentation quotidienne des indiens Parecis au Mato Grosso. Des bandes de larves (en saison des pluies) et d'adultes (en saison sèche) sont chassées à l'aide de branches et de torches enflammées. Les larves sont entourées et canalisées vers des tranchées, puis capturées et mises dans de grands paniers qui sont rapidement remplis. Les adultes sont capturés à la main, le matin quand ils sont peu actifs en raison des températures fraîches, et donc plus facile à attraper. Ces criquets sont ensuite grillées sur du charbon de bois et consommés tel quel, ou mélangés avec des jus de fruits, ou ajouté à de la farine de manioc pour faire une sorte de pain. Leur consommation, sous une forme ou sous une autre, est quotidienne. Il faut donc que ces insectes soient nombreux.

Deux femmes Nambikwaras chassant les criquets. Elles rabattent et grillent les larves de criquets avec une torche enflammée puis les entassent dans un panier (photo E. Z. F. Setz).

Abri utilisé par les femmes Nambikwara lors de leurs sorties de chasse au criquet, et trou creusé dans le sol pour trouver de l'eau (qui affleure à quelques dizaines de centimètres) (photos E. Z. F. Setz).

Femme Nambikwara grillant des larves de criquets sur des braises (à gauche). Criquets grillés entassés sur une tôle (à droite) (photos E. Z. F. Setz).

Je rencontrais ensuite Edie Pina de Barros, chef du département d'anthropologie de l'Université Fédérale du Mato Grosso, dont la grand-mère, née en 1892 et d'origine Baikiri, était encore vivante à l'époque. Elle pu identifier clairement mon criquet et confirmer que des pullulations importantes avaient eu lieu au cours de sa jeunesse - vers la fin du 19ème et au début du 20ème siècle - sur les terres Baikiri dans ce qui est maintenant connu comme la région de Paranatinga. Elle a pu signaler, en particulier dans les années 1940, d'autres pullulations importantes restées gravées dans les récits oraux traditionnels des Indiens Baikiri et pouvant être datées approximativement par comparaison avec les dates d'événements importants.


A Cuiaba, je pris également contact avec le Père Jésuite José de Moura e Silva, directeur des Archives publiques du Mato Grosso, ayant fréquenté la région de la Chapada dos Parecis régulièrement depuis 1953. Il me confirma que, chaque année, des essaims d'une espèce ne pouvant être que R. schistocercoides étaient présents en grand nombre, en particulier dans la région d'Utiariti où ses visites ont été principalement concentrées. Un autre habitant de Cuiaba, Antonio Amorin, 66 ans, qui était autrefois un berger et un collecteur de latex, était souvent passé par la Chapada dos Parecis entre 1944 et 1967. Il a été en mesure d'identifier parfaitement les criquets et m'a signalé que, dès 1944 dans la région de Agua Limpa et près de la source du Rio do Sangre, de nombreux essaims s'envolaient au passage de ses troupeaux. L'herbe était dévorée par les criquets, laissant le sol complètement dénudé. Il m'a affirmé avoir observé ces essaims chaque année pendant la saison sèche depuis 1944. Leur densité était variable d'une année à l'autre, mais la présence de criquets était constante. Antonio Amorin a également été en mesure de me décrire précisément le comportement de vol de ces essaims: volant à 20 m au dessus du sol tout au plus, transportés par le vent sur de courtes distances (quelques centaines de mètres), atterrissant et décollant sans arrêt. Il m'a confirmé que les Indiens Nambikwaras mangent ces criquets qu'ils capturent dans des sacs; ils leur coupent les ailes, remplissent leurs paniers, et les consomment grillés ou réduits en farine pour assaisonner la viande.


Bernard Radoux, chef de la FUNAI (Fondation nationale indienne) à Utiariti et Joâo Garimpeiro, cacique (chef indien) des Parecis, ont confirmé que les indiens ont toujours connu des criquets en grand nombre. Leur densité semble varier d'une année à l'autre mais les pullulations sont très fréquentes.


Pour une interview récente de Joâo Garimpeiro voir: https://www.youtube.com/watch?v=ENeMMSr3-c4


A gauche, Joâo Garimpeiro en tenue de cérémonie. Lors de notre rencontre à Utiariti, il portait un costume plus moderne.




Outre les preuves de l'ancienneté des pullulations de criquets à l'ouest de la chapada, régions situées autour des réserves indiennes des Parecis et des Nambikwaras, je pu recueillir plusieurs témoignages de leur ancienneté plus à l'est, en particulier dans la région de Paranatinga. Outre les indications de Edie Pina de Barros évoquées ci-dessus, de nombreux témoignages d'anciens agriculteurs sont venus s'accumuler. L'un des plus intéressants est sans doute celui de Bernardino Gomes Bezerra, agriculteur dans la région de Paranatinga depuis plus de 60 ans, et dont la famille est installée là depuis 1928. Bernardino Gomes Bezerra a pu facilement identifier des échantillons de criquets et m'affirmer que leurs pullulations ne sont pas un phénomène nouveau dans la région de Paranatinga. Il a observé de très graves pullulations à la fin des années 1940, en particulier en 1947. Cette année là, entre mai et novembre, les essaims étaient selon lui partout sur environ 60 km, de la fazenda de son père située près de la réserve indienne Baikiri (la fazenda Rancharia, actuellement sur la commune de Nova Brasilândia), jusqu'au site de la future ville de Paranatinga. Ces essaims de criquets volant à basse altitude faisaient jusqu'à 2 km de longueur et rendaient la marche difficile. Bernardino Gomes Bezerra a également donné une bonne description du comportement très typique de ces essaims. Ces pullulations ont duré pendant 5 ou 6 ans, environ jusqu'en 1952, puis se sont arrêtées. Il semble y avoir eu beaucoup plus de criquets entre 1947 et 1952 qu'au cours des 10 dernières années, en gros de 1983 à 1992. Ces pullulations ont également été confirmées par d'autres témoins. Ainsi, Marcelino Sampaio, ayant vécu dans la région depuis 60 ans, et employé au magasin 'Lojas das Américas » à Paranatinga à l'époque de mon enquête, m'a affirmé avoir observé d'importantes pullulations de criquets autour des années 1948-1950 à Rancharia où il avait une petite propriété. Un autre agriculteur de Paranatinga, Gentil Mariano Miotto, originaire du Rio Grande do Sul, m'a signalé avoir remarqué des essaims de criquets dès son arrivée dans la région en 1983, en particulier autour du site appelé Sete Placas, ainsi que près de la réserve indienne Rondon. Ceci avant les premiers rapports officiels de pullulations de criquets dans cette zone effectués seulement en 1985. Au final, tous ces témoignages accumulés confirment que les criquets sont également un problème de longue date dans la région de Paranatinga.

Aldeia Rio Verde photographié lors de mon passage dans la région en novembre 1993. Les habitations traditionnelles en bois et paille sont restées les mêmes qu'au 19ème siècle lors de l'expédition Langsdorff, seules quelques baraques en planches et toit de tôles ont été ajoutées.

Habitations des indiens Apiacas sur les bords du rio Juruena en avril 1928. Dessin de Hercules Florence réalisé lors de l'expédition du baron J.H. Langsdorff "Du Tieté à l'Amazone" (reproduction de Arnoldo M. Florence du 20 octobre 1972).


En conclusion, toutes ces recherches conduites pendant plusieurs mois à l'occasion de mes séjours au Mato Grosso, me montraient à l'évidence que les pullulations de Rhammatocetus schistocercoides au Mato Grosso étaient un phénomène très ancien et que les pullulations passées étaient certainement tout aussi fréquentes et importantes que les pullulations actuelles, voire plus. Il me fallait donc revoir radicalement les théories en vigueur sur l'origine de ces pullulations, en particulier celles qui incriminaient le développement agricole accéléré ayant eu lieu dans ces régions depuis le début des années 1980. J'avais atteint mon objectif et, quelques mois plus tard, j'allais même démontrer que ce développement de l'agriculture ne pouvait être que défavorable au criquet et entraîner à la longue une diminution voire une disparition de ces pullulations. Il ne fut pas facile de faire admettre cette démonstration par tous malgré la clarté des preuves obtenues. En fait, les criquets étaient chez eux sur les terres indiennes. Les nouveaux agriculteurs n'étaient pour rien dans les pullulations mais avaient simplement eu le malheur de s'implanter au beau milieu du territoire ancestral de ces insectes. La polémique n'avait pas lieu d'être. Il suffisait d'écouter les anciens.


Référence:

Lecoq M., Pierozzi Jr. I., 1995. Rhammatocerus schistocercoides locust outbreaks in Mato Grosso (Brazil) : a long-standing phenomenon. The International Journal of Sustainable Development and World Ecology, 2: 45-53.

Rios: 1, Juina; 2, Juruena; 3, Papagaio; 4, Sacre; 5, do Sangre; 6, Sacariuina; 7, Arinos; 8, Xingu; 9, dos Mortes; 10, Araguia; 11, Paraguai; 12, Guapore.



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